L’AAATV Bordeaux n’existe plus !
L’information ne fait bien sûr pas les gros titres de la presse ferroviaire, mais une page est bel et bien tournée. Richard Soth notre Président national, nous le confirmait il y a quelques jours : les plus jeunes de la section de Bordeaux, alors âgés de plus de 80 ans, nous ont définitivement quittés.
La vision de Raymond Dauphin
Et pourtant ! Quel enthousiasme démontré par cette section de Bordeaux, avec l’emblématique président Raymond Dauphin, qui, dès février 1969 se lance dans l’aventure. Dans le numéro 301 de Loco Revue de décembre 1969, il fait paraitre un communiqué sur son projet de préservation d’une 241 P, il questionne les associations.
Déjà, il a en tête la notion de trains touristiques à vapeur sillonnant toute la France. Non content d’avoir créé la section de Bordeaux, il joue de ses nombreux contacts internes SNCF pour initier des groupes régionaux un peu partout sur le territoire. Ainsi, avec le soutien d’André Chapelon il aide André Presle à transférer sa 141 R 568 de Sarreguemines à Gray pour remise en état de marche. Quand ce dernier lui demande ce qu’il peut faire pour le remercier, l’occasion est trop belle pour lui d’initier une section AAATV à Vierzon afin d’organiser un dernier train vapeur avec une machine de ce dépôt, la 141 R 840. Il y a sur place une petite bande de jeunes ; l’AAATV Vierzon Bourges (future AAATV-CVL) est née !
Un coup de pouce à la création de l’AAATV-CVL
Nous faisons alors la connaissance de Raymond Dauphin qui se rend à Vierzon pour la création de la section en novembre 1977.
L’homme est truculent, voir exubérant, il en impose. Nous avons à peine 20 ans, lui en a 63 ! Ancien marin et devenu chef traction au dépôt de Bordeaux, il a toujours une anecdote au coin des lèvres, mais celle-ci est ma préférée :
Voulant rendre la politesse, et aussi faire plus ample connaissance avec cette association que nous ne connaissons que très peu, nous décidons de nous rendre au congrès national annuel qui se tient justement à Bordeaux. En plein mois de juin 1979, sous une chaleur écrasante, nous sommes 4 à partir en Renault 4 L depuis Mer dans le Loir Et Cher. Il y a Pascal Bouché, Claude Charles, mon épouse Bernadette et moi-même. A Bordeaux, ça se passe au dépôt, quelle n’est pas notre fierté que de pénétrer dans les emprises de la SNCF, nous voilà presque des cheminots.
Le congrès AAATV national de 1979
Mais sur place, dès l’ouverture du congrès, nous nous demandons un peu où nous sommes !!! Ce ne sont que des anciens, tous sont des retraités de la SNCF, et il faut bien reconnaitre que nous faisons un peu « tache ». L’essentiel des questions porte sur l’organisation de repas gastronomiques et autres sorties touristiques. Chaque section présente ses activités, toutes sur le même thème. Vient notre tour ! Raymond nous bombarde à l’assistance comme jeunes ingénieurs de l’aérospatiale et du nucléaire, on ne sait plus où se mettre mais, quand même, nous exposons le projet de remise en service de la 141 R 840.
Finalement, le congrès se termine par un buffet extrêmement bien arrosé, ce qui nous donne l’occasion de discuter avec ces anciens qui ont tant de souvenirs. Et pour discuter, c’est surtout nous qui les avons écoutés comme André Gardes, ancien titulaire de la 231 E 46. Le bonhomme est immense avec des yeux tous ronds et d’un bleu presque transparent. Il avait d’ailleurs accompagné Raymond Dauphin à Vierzon pour la remise officielle de la machine à notre section. Il connait bien André Chapelon qui l’a accompagné à de nombreuses reprises sur sa machine et nous écoutons religieusement ses récits de tractionnaire sur le réseau du Nord.
Un autre mécanicien de Bordeaux R. Guitton, nous prend en amitié. A la fin du congrès, il vient vers moi et sort de son portefeuille une photo de sa machine, une 231 G sur le pont tournant de Montauban. Il me la dédicace, très touché, moi le petit jeune par cette marque de sympathie d’un ancien, j’ai un peu l’impression de faire désormais partie de cette famille de cheminots.
Et puis nous repartons, un peu dubitatifs il faut bien le reconnaitre ! Le père Dauphin avait tellement bien vendu notre projet de remise en état de la 141 R 840 que nous ne devons pas les décevoir…. Nous sommes bien loin d’imaginer ce qui nous attend !
Sur la route du retour, comme si le congrès nous avait aussi transmis d’autres valeurs, nous nous arrêtons à Saint-Emilion…. Et aussi à Guîtres pour voir la 241 P 9.
Ainsi avait été notre premier vrai contact avec l’AAATV Bordeaux, et l’AAATV nationale. Dès lors nous étions assidus aux congrès, allant même jusqu’à en assurer l’organisation à Cosne en 1997 ou à Orléans en 2001. Mais ce que personnellement je regrette le plus, c’est de ne pas avoir recueilli les mémoires de tous ces hommes qui avaient de vraies valeurs, et qui avaient su faire confiance à une bande de petits jeunes, qui plus est, non cheminots.
Alain Demarez
Membre fondateur de l’AAATV-CVL